11 setembro 2004

TOWARD METALINGUISTICS I

L’AUTONOMIE DE L’ESTHÉTIQUE EST DIVERS DE L’AUTONOMIE DE L’ART
- Marc Jimenez
« ‘Autonomie de l’esthétique’ n’a pas le même sens qu’`autonomie de l’art’, mais un certain nombre de corrélations existent entre l’une et l’autre. La réflexion spécifique, que nous venons d’évoquer, suppose que l’objet auquel elle s’applique soit lui-même défini de façon précise ; or, le mot art, héritier, dès le XI siècle, de son origine latine ars = activité, habileté, ne désigne, jusqu’au XV siècle, en Occident, qu’un ensemble d’activités liées à la technique, au métier, au savoir-faire, c’est-à-dire `des tâches essentiellement manuelles. L’idée même d’esthétique, au sens moderne, n’apparaît qu’au moment où l’art est reconnu et se reconnaît, à travers son concept, comme activité intellectuelle, irréductible à une quelconque autre tâche purement technicienne.

« Ainsi, l’esthétique, qui inaugure sa phase moderne à partir de 1750, ne s’est pas déclarée autonome du jour au lendemain par la seule grâce du philosophe allemand Baumgarten. Sa fondation en tant que science est le résultat d’un long processus d’émancipation qui, du moins en Occident, concerne l’ensemble de l’activité spirituelle, intellectuelle, philosophique et artistique, notamment depuis la Renaissance.
« L’idée que la création n’est plus seulement d’essence divine mais relève d’une action humaine s’impose après bien des débats théologiques et philosophiques; à l’origine, elle ne concerne pas directement ni immédiatement le domaine de l’art. De même, nombre de conceptions a priori doivent être combattues pour que la relation entre la raison et la sensibilité ne soit pas uniquement perçue comme conflictuelle. Il faut aussi attendre le XVII siècle pour que le beau s’affranchisse des valeurs du bien et du vrai, et la fin du XVIII siècle pour que l’imitation de la nature ne soit plus considérée comme la seule finalité de l’artiste.
« Le mouvement des idées qui s’affirme au XVIII siècle , et qui conduit aux libérations que l’on vient d’évoquer, ne s’est pas donc imposé de lui-même. Il traduit les profondes modifications que subissent, depuis le Moyen Âge, les conditions sociales, économiques et politiques. Ce sont ces transformations qui permettent aux nouvelles conceptions de se concrétiser dans la réalité. Un seule exemple: la reconnaissance sociale de l’artiste, qui abandonne peu à peu son statut d’artisan – parfois avec quelque réticence – doit être mise en corrélation avec l’affranchissement progressif des artistes vis-à-vis des tutelles religieuses, monarchiques et aristocratiques. De l’artisan, lié par le mécénat, assujetti au bon vouloir d’un prince, on est passé à l’artiste humaniste, doté d’un véritable savoir, et non plus seulement d’un savoir-faire, puis à l’artiste que négocie ses oeuvres sur le marché et assure leur promotion auprès du public.
« Il s’agit là d’un schéma simplifié, mais suffisant pour montrer que la déclaration d’autonomie de l’esthétique a été en quelque sorte préparée de longue date. Elle n’intervient qu’au terme d’une lente évolution intellectuelle et matérielle de la société occidentale qui vise à émanciper l’homme à l’égard des tutelles anciennes, théologique, métaphysique, morale, mais aussi sociale et politique. »
- In: QU’EST-CE QUE L’ESTHÉTIQUE?, COl. FOLIO/ESSAIS, ÉDITIONS GALLIMARD, 1997, pp. 32-33.

04 setembro 2004

TOWARD METALINGUISTICS II

L’AUTONOMIE ESTHÉTIQUE COMME PRODUIT DU CAPITALISME BOURGEOIS
- Marc Jimenez
“La conquête de l’autonomie esthétique s’inscrit dans le mouvement plus général de libération vis-à-vis de l’ordre ancien. Cette tendance apparaît, à nos yeux, comme aussi irrésistible que celle qui conduit au capitalisme bourgeois, au libéralisme et à la constitution d’un espace public ouvert à la critique.
"Lorsque nous parlons d’autonomie esthétique, grandement favorisée par l’apparition du terme d’esthétique appliqué à une discipline particulière, nous ne faisons référence, somme toute, qu’`a um moment de cette évolution et donc, également, `a une simple tendance. L’autonomie réelle, pleine et entière, ne s’est jamais réalisée et n’existera sans doute jamais, pás plus aujourd’hui que demain. Si ele était possible – ce que nous ne croyons pas – elle ne serait sans doute pas souhaitable.
"En effet, la simple tendance à l’autonomie comporte un risque majeur : celui de la constituition d’une sphère esthétique totalement séparée de la vie quotidienne. À trop revendiquer son indépendence, l’artisan s’est mué en artiste, placé sur un piédestal, célébré comme génie, doué d’un talent surhumain. Mais voir en lui un être d’exception , à mille lieues des préoccupations du commun des mortels, c’est aussi le considérer comme un être à part. Exclusion bénéfique pour ceux dont l’oeuvre est reconnue et célébrée, mais néfaste pour les artistes qui n’accèdent pas à la notoriété. L’image de l’artiste raté est l’autre face du mythe de l’artiste génial, de celui qu’on peut tantôt encenser ou tantôt vilipender, ou bien simplement ignorer, parce que son statut particulier le coupe de la vie quotidienne.
"Cette ambiguïté est identique à celle qui affecte la sphère esthétique dans son ensemble. Reconnaître l’esthétique comme discipline à part entière atteste bien l’existence d’un domaine particulier, lié à la sensibilité, qui obtient enfim un droit de cité officiel au même titre que les diverses sciences. Comme celles-ci, elle participe au savoir at à l’accroissement des connaissances. Mais, dans le même temps, ce nouveau statut traduit une volonté de ‘scientificiser’ l’univers du sensible, autrement dit une tentative de rationaliser, de théoriser et de conceptualiser un monde d’affects, d’intuition, d’imagination, de passion, rebelle à toute forme de contrôle ou de coercition. Comme s’il importait de canaliser dans l’ordre de la raison des forces qui, sinon, risqueraient de porter préjudice à cet ordre même ! Ambiguïté lá aussi qui survit, depuis, dans la conscience comtemporaine, surtout lorsqu’on évoque la finalité de l’esthétique : à quoi sert-elle ?
"L’autonomie de l’art et l’autonomie de l’esthétique – certes jamais réalisées et toujours en projet - peuvent fort bien, même dans leur état précaire, se retourner contre les intérêts de l’un et de l’autre. Le mot sphère, qui sert parfois à les désigner, est lui-même équivoque : la sphère est délimitation, territoire, mais aussi refuge. Ce refuge les protège de la réalité extérieure, tout en preservant cette même réalité des attaques que les oeuvres pourraient diriger contre elle. Un artiste peut tout faire, une oeuvre peut tout exprimer, même des choses considérées comme subversives et dangereuses pour la société dès lors que leur statut à part leur garantit l’impunité. Isolées du réel, inoffensives, l’ordre social et politique peut les tolérer sans denger pour son équilibre."
- In: QU’EST-CE QUE L’ESTHÉTIQUE?, COl. FOLIO/ESSAIS, ÉDITIONS GALLIMARD, 1997, pp. 92-93.

03 setembro 2004

IS IT SO?

A COMUNIDADE
- Jean-Pierre Vernant
“Os gregos inventaram a cidade, e o paradoxo é que a grandeza desta é, ao mesmo tempo, sua fragilidade. A cidade não é mais dirigida por um soberano único. Uma sociedade hierárquica tomou o lugar de uma sociedade igualitária na qual todos os homens estão a uma distância igual do centro e participam das discussões. Mas o essencial, em uma comunidade, é o sentimento de “philia” – a amizade – que seus membros nutrem uns pelos outros. É esse o cimento humano. Ora, se existe uma assembléia ou um debate, haverá obrigatoriamente dois discursos contraditórios que serão decididos pelo voto. Conseqüentemente, a cidade se divide, e essa divisão significa que a democracia traz em seu bojo, necessariamente, a possibilidade de negar seu fundamento: a amizade entre pessoas que são todas semelhantes e estão em pé de igualdade. Em dado momento, essa homogeneidade gera a divisão e a luta.
"Os gregos nos legaram o sentimento da comunidade. E também o fato de que o essencial na vida do homem não é o trabalho, mas a vida política, o contato com os outros nas assembléias, as discussões nos banquetes. Todo o interesse da vida reside precisamente naquilo que não é utilitário. É uma idéia muito diferente da nossa. O trabalho não é a base do vínculo social. Para os gregos, o fato de cada artesão ser especializado – o fato de que um produza sapatos, outros, fivelas, e, ainda outro, jarros – é a prova de que essa divisão do trabalho não pode constituir o fundamento de uma sociedade, já que o fundamento da sociedade é aquilo que os homens possuem de semelhante.
"Logo, o que deve unir os homens é aquilo que mostra o mito de Protágoras, conforme relatado por Platão [428-348 a. C.], quando Protágoras [485-410 a. C.] explica o que aconteceu no momento da criação das espécies. Prometeu e seu irmão Epimeteu são encarregados de dotar cada espécie animal da forma, das qualidades e das forças que vão caracterizá-la. Eles tomam o cuidado de fazer com que essas qualidades se equilibrem. Se um animal ganha força e tamanho, ele não terá rapidez. Se ele é mais frágil, será dotado de rapidez ou da capacidade de voar, para que possa sobreviver. Depois eles criam os homens, e, no momento de sua criação, não restam mais forças e qualidades suficientes. Logo, o homem surge desarmado. Para que a espécie humana não desapareça em razão de sua fragilidade, o que se faz? Dota-se cada um de saberes técnicos, de modo a compensar por aquilo que lhe falta. Ele é sensível ao frio: as pessoas vão fiar e tecer a lã, produzir tecidos. Ele tem pés frágeis: ganhará sapatos.
"Assim, cada saber técnico é dado ao homem, e é ao trocar seus produtos que estes vão poder constituir uma sociedade. Mas as coisas não funcionam direito – porque cada um se ocupa de seus assuntos. Os homens se digladiam. Zeus fica sabendo disso e, para salvá-los, encarrega Hermes de remediar essa situação catastrófica. É assim que Hermes dota os homens do senso da honra e da justiça. Nesse momento, todos poderão constituir uma cidade, não por possuírem os saberes técnicos, mas porque todos compartilham a mesma idéia daquilo que é honrado e justo.”

- In: CADERNO MAIS, FOLHA DE SÃO PAULO, 8 de Agosto de 2004. Original na revista “Nouvel Observateur”, Tradução de Clara Allain.